Quel bilan dresser de cet Euro ? :
À la lecture des premiers résultats, cet Euro est assurément un échec pour cette équipe de France. Une élimination en 8èmes de finale face à la Suisse ne peut pas être considérée autrement.
Si on avait annoncé au bleus et au peuple français ce sort funeste avant le début de la compétition, personne n’y aurait cru et cela aurait été d’autant moins envisageable après le premier match face à l’Allemagne.
Alors comment en est-on arrivé la ?
La Hongrie, point de départ des problèmes :
La victoire face à la Maanschaft fut à la fois la confirmation du potentiel des bleus et leur point d’orgue durant cet Euro. Plus jamais ensuite, les tricolores sont apparus en mesure d’assumer leur statut de favoris.
Après ce premier match donc, tous les voyants sont au vert. Et il y a des quoi. Défense très solide, milieu de terrain complémentaire et au top de sa forme et attaque laborieuse mais ultra solidaire, ce tout formant un ensemble quasi invincible.
Vient ensuite la Hongrie, décrite comme LE fameux match piège. Ce fut pire que cela en réalité. Car si les bleus avaient été accrochés tout en restant cohérents, comme ce fut le cas face à des nations moins huppées durant l’euro 2016 ou la CDM 2018, cela ne serait pas tellement inquiétant. Mais cette fois, ce fut tout autre chose. Ces bleus là sont apparus comme amorphes, sans âme et sans idées...tellement qu’on a longtemps considéré que cela pouvait être le pire match de l’EDF sous l’ère Deschamps. Le 1-1 sauve la face mais interpelle. Comment peut-on passer d’un match si brillant de maîtrise face a l’Allemagne à cette bouillie de football contre la Hongrie ?
Juste après le match, cette thèse de « l’accident » a souvent été imputée à la chaleur, étouffante avec près de 40 degrés à Budapest ce jour là (a 15h précisons le) comme pour se rassurer (voir interviews de Deschamps et Griezmann après le match).
Possible effectivement que les organismes des 22 acteurs aient beaucoup souffert de cela, surtout après une saison pleine et éprouvante pour beaucoup d’entre eux.
Les Hongrois ont d’ailleurs également terminé sur les rotules.
Néanmoins, il n’est jamais bon signe en football de passer à ce point à côté, notamment lors d’une compétition courte comme l’Euro, ou la confiance, la dynamique et l’esprit de groupe sont des notions fondamentales pour aller loin.
D’un point de vue strictement personnel, même si c’est évidemment très facile de le dire après, j’ai eu le sentiment, derrière ma télé, que ce match avait cassé quelque chose chez les bleus et que ce « non-match » allait forcément laisser des traces sur leur confiance. Comme un mauvais pressentiment en réalité.
Des comportements et attitudes m’avaient déjà, à ce moment la, interpellé (déchet technique très important, signes d’agacement voir de découragement, manque d’orgueil et d’agressivité, incapacité d’accélérer le jeu...). Selon moi, c’était donc plus grave que cette fameuse chaleur car les hongrois eux n’ont pas manqué de mordant et d’agressivité.
Le match face au Portugal devait permettre aux bleus de tirer tout cela au clair et, personnellement, de lever quelques doutes.
La suite : Le trompe l’oeil puis la dégringolade :
Pour être honnête, les 30 premières minutes de France-Portugal m’ont suffi. J’y ai vu des bleus légèrement bousculés mais à peu près cohérents jusqu’à l’ouverture du score portugaise. Ensuite, j’ai cru voir un remake de France-Hongrie pendant 10 bonnes minutes (festival de passes approximatives, battus dans les duels et l’agressivité, signes d’agacement, body language orienté vers le défaitisme)...puis un petit miracle il faut l’avouer : un pénalty assez généreux transformé puis une offrande géniale de Pogba pour Benzema. 2-1, la confiance change de camp.
Finalement, le 2-2 arrange tout le monde, enfin surtout les bleus qui s’en sortent très bien.
Les champions du monde en titre terminent 1ers de leur groupe, ce qui leur assure un tirage plus clément pour les 8èmes de finale.
Mais en bilan de ces matchs de poule, on a du mal à cerner et à situer ces bleus. Vont-ils se sublimer lors des phases finales ? Ont-ils toujours l’étiquette de favoris ? Pourquoi n’arrivent-ils plus a poser leur jeu ? Pourquoi de telles absences pendant les matchs ?
D’ailleurs c’est le groupe F dans sa totalité qui est difficile à cerner. L’Allemagne si brillante face au Portugal fut à 2 doigts de se faire éliminer lors d'un dernier match insipide face à la Hongrie.
Le Portugal qui paraissait sûr de sa force comme la France, a livré un bien mauvais match face aux Allemands, avant de se reprendre brillamment face aux bleus.
Pourquoi ? Nous aurons quelques éléments d’explication un peu plus loin...
L’après cataclysme :
Voilà, c’est fini, nous sommes éliminés par la Suisse en 8èmes de finale de l’Euro...oui je sais j’ai fait un petit bond en avant dans le temps mais qu’il est difficile de revenir sur cet épisode ô combien douloureux. Et toujours aujourd’hui, ce sentiment de match irrationnel.
Car en effet, tout a été dit, analysé et décortiqué depuis : « À 3-1 il aurait fallu fermer la boutique », « il a manqué de tout », « les relations entre certains bleus sont fraîches », « Deschamps s’est trompé avec son système en 3-5-2 en première mi temps », « Pogba n’aurait pas dû perdre ce dernier ballon », « Lenglet n’aurait jamais dû démarrer ce match »...tout cela est assez vrai et, avouons le avec le recul, cela fait trop d’erreurs et d’épines dans le pied pour passer un tour de plus, même face à la Suisse. Finalement, même si c’est difficile de l’admettre, nous avons eu en quelque sorte le retour de bâton de nos erreurs répétées.
Oui le sélectionneur a été moins inspiré dans ses choix (Koundé latéral droit face au Portugal, Tolisso ailier droit + les atermoiements cités plus haut face à la Suisse) mais cela arrive, et si cela avait marché on aurait crié au génie. Il a d’ailleurs pleinement assumé ses responsabilités.
Il a également privilégié le trio offensif en essayant d’optimiser au maximum ses systèmes de jeu. Dans un sens, il a réussi son pari puisque l’attaque a été prolifique (8 buts en 4 matchs, soit 2 buts/match en moyenne) à défaut, paradoxalement, d’une bonne animation offensive (beaucoup de buts sont le fruit d’exploits individuels).
Qui plus est, au détriment de l’aspect défensif malheureusement en souffrance et sans repères. Lui, Deschamps le pragmatique, a étonnement changé son fusil d’épaule au dernier moment alors que le succès des bleus reposait davantage sur son socle défensif. Pourquoi ? Lui (et son staff) seul le sait.
Un célèbre adage italien dit : « L’attaque permet de marquer des buts, La Défense de gagner les matchs »...tout est dit et c’est souvent vrai.
Tout comme il est revenu sur sa décision concernant Karim Benzema. La encore, ce n’est pas la décision qui interpelle car l’attaquant madrilène méritait amplement d’être rappelé et a brillamment rempli sa mission (4 buts) après 2 premiers matchs compliqués, mais plutôt le timing. Pourquoi si proche de l’Euro ? Pourquoi pas avant ? Comment Olivier Giroud a t-il appris la nouvelle ? Son retour n’a t’il finalement pas déstabilisé les bleus ? On se souviens des paroles de Kingsley Coman avant l’Euro qui affirmait que l’EDF avait désormais « la meilleure attaque du monde ». Or on sait bien que les meilleurs buteurs des championnats nationaux alignés ensemble ne sont pas forcément gage de réussite (cf les bleus en 2002 avec la célèbre attaque Trezeguet-Henry avec Cissé en back-up). Ça serait si simple sinon...
Bref pour conclure, il est très facile de se prononcer après coup, les suppositions et raccourcis sont rapides, nous ne vivons pas à l’intérieur du groupe et nous ne pouvons pas prétendre savoir mieux que le staff en place.
Je dresse simplement un constat d’ensemble.
Varane, véritable baromètre des bleus :
On a beaucoup parlé des fulgurances de Pogba, des difficultés de Pavard, du cauchemar de Lenglet, du presque sauveur Benzema, du penalty (et de l’Euro?) manqué de Mbappe pour résumer les faits marquants des bleus dans cet Euro.
Personnellement j’aimerais revenir les cas Mbappe et Pogba.
Tout d’abord concernant l’Euro de Kyllian Mbappe que l’on dit « raté ».
Selon moi, c’est oublier qu’il fut l’un des seuls à surnager face à la Hongrie (avec Kanté), et qu’il a posé de nombreux problèmes à la défense portugaise en poules.
Sans oublier sa sublime avant dernière passe décisive sur le second but de Benzema face à la Suisse. Certes sa finition fut loin d’être à la hauteur, mais pour ces raisons là, on ne peut pas considérer que son Euro fut complètement manqué. Il faut nuancer cela. Et je pense que surtout il a trop voulu endosser le costume de super héros, ce qui dénote une bonne volonté évidente.
Pour Pogba, c’est encore autre chose. S’il mérite sans problème d’être dans l’équipe type des phases de poules de l’Euro tant il a brillé offensivement, son comportement en phase défensive fut tout autre. Beaucoup d’oublis et de pertes de balle dangereuses. Évidemment avec comme conséquence ultime le 3ème but Suisse. On a tendance à lui rabâcher cette erreur, mais il ne faut pas oublier les nombreuses pertes de balle coupables face au Portugal et la Hongrie, qui n’ont pas eu de fâcheuses conséquences mais qui méritent d’être relevées. En d’autres termes, j’ai envie de dire que cela allait bien finir par arriver. Malheureusement au plus mauvais moment pour ces bleus fragiles.
Au final, cela affecte le bilan de son Euro et c’est bien dommage tant les bleus ont semblé dépendant de son génie offensif.
Il y a eu au sein de cette équipe de France des performances contrastées d’un match sur l’autre et parfois au sein même du match, rendant leur Euro difficilement lisible, mais selon moi, celui qui a davantage reflété les performances des bleus dans leur ensemble, c’est Raphaël Varane.
Et même avant. Car si l’on regarde de plus près les contre performances des tricolores sur ces dernières années, elles sont fortement corrélées à celles du défenseur madrilène.
Plus encore qu’un Ngolo Kanté (surnageant parfois au milieu du marasme comme face à la Hongrie, ou bien en difficulté comme lors de la finale de la CDM 2018 contre la Croatie), qu’un Hugo Lloris, capitaine courage mais pas forcément lié aux perfs d’ensemble de par son poste, ou qu’un Antoine Griezmann, âme de cette équipe, bras droit de Deschamps mais pas non plus toujours impacté par la prestation d’ensemble.
L'équipe de France à la plupart du temps loupé ses matchs lorsque Varane était en difficulté et vice versa (cf matchs VS Turquie, Suisse, Hongrie) et pire encore lorsqu’il n’était pas là (VS Finlande).
A contrario, quand le défenseur brille, les bleus ont la plupart du temps gagné et avec la manière.
En résumé, la sérénité ou la fébrilité de Rafa rejaillit sur la team de Deschamps.
Perspectives :
Je ne vois pas forcément un avenir radieux à cette équipe de France, en tout cas, dans un avenir très proche.
Grégoire Margotton disait très justement sur Telefoot dimanche dernier : « ce match va laisser des traces ». Je le pense aussi malheureusement.
Je m’explique.
Contrairement a 2010 ou les bleus étaient tombés au plus bas et ne pouvait que remonter, le scénario et le caractère irrationnel de ce 8emes de finale soutient la thèse de l’accident, ce qui va conforter les joueurs. Et ce qui n’est pas forcément une bonne chose.
Autrement dit, la gifle reçue n’est pas assez importante. Il aurait mieux valu un 2-0 net et sans bavure. Or, les bleus ont failli l’emporter par leur seul talent offensif et ce, malgré des carences importantes comme nous l’avons vu plus haut.
De plus, la sensation de passer de favori principal a une élimination en 8èmes de finale par la Suisse, avec le scénario que l’on connaît, risque de laisser des traces chez certains.
L’organisation de cet Euro remis en question :
L’organisation de cet Euro est sujette à débats et soulève de nombreuses interrogations.
Le président de l’UEFA Aleksander Ceferin déclarait dans le dernier SO FOOT « ne pas imaginer ce type de format a l'avenir ».
Pas plus tard qu’hier, il en a remis une couche sur Eurosport jugeant l’organisation de cet Euro « trop difficile » et « injuste ». Il n’a pas tort. Et je suis également de cet avis.
Loin de moi l’idée de trouver des excuses à nos bleus mais il me paraît évident que jouer 75% de ses matchs de poules sous 35 degrés en moyenne, ou les jouer sous 20 degrés de moyenne, n’entraînent pas les mêmes capacités de récupération.
De même que jouer des matchs à domicile ou pas.
Comment L’UEFA a pu t-elle penser qu’en ces mois de Juin/Juillet, les températures seraient identiques dans toute l’Europe ?
Bizarrement (ou pas), en 1/4 de finales, il ne restait plus rien du fameux groupe F dit « de la mort » (France, Allemagne, Portugal sortis en 1/8èmes de finale).
Pour ma part, l’organisation de cet Euro m’a paru être une gigantesque farce, et ce, avant même que cet Euro ne débute.
Voir une compétition internationale éclatée dans toute l’Europe (Hongrie, Russie, Azerbaïdjan, Danemark, Allemagne, Roumanie, Italie, Angleterre, Espagne, Pays-Bas...) m’a rendu perplexe...
Selon moi, un Euro ou une Coupe du Monde doit se jouer dans un ou deux pays limitrophes comme l’Euro 2008 en Suisse/Autriche par exemple. Pas plus. Sinon, cela devient un cirque sans cohérence dans le quel LE pays hôte n’existe pas vraiment au final.
Force est de constater que cet Euro nouvelle version a dégagé beaucoup d’injustices dans son organisation. L’Angleterre a, par exemple, joué quasiment tous ses matchs à domicile, sous des latitudes tempérées...
Une nouvelle fois, je précise que je n’enlève aucun mérite à cette équipe anglaise qui n’a pas volé sa place en finale.
Mais cet Euro a 2 vitesses a semblé favorisé un bon tiers des équipes engagées (ce qui est beaucoup trop), laissant de côté les autres.
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